Changer sa façon de voyager?

Éoliennes sur un terrain aride sous un ciel gris en Espagne

Lorsque ce billet a d’abord été écrit, en juin 2020, nous étions en pleine pandémie et le voyage ne faisait que partie des souvenirs ou de futurs rêves. Maintenant que les frontières sont ouvertes à nouveau, votre façon de voyager a-t-elle changé? Au-delà des questions de santé, regardons comment tenir compte de deux enjeux déjà présents avant la pandémie: les changements climatiques et le « surtourisme ».

L’arrêt des voyages non essentiels avait provoqué une question de société, non pas de savoir si le tourisme allait reprendre comme avant, mais plutôt s’il devrait reprendre comme avant. Il y avait une opposition entre ceux qui applaudissaient le fait que, lors de la pandémie, il y avait moins d’avions dans le ciel et moins de visiteurs à Venise, et ceux qui vivent de l’industrie touristique. 

Osons une petite discussion sur cette question et voyons quelques suggestions pratiques pour changer sa façon de voyager en réponse à ces enjeux. 

Musique à écouter pendant ou après la lecture de ce billet (il se peut que l’écoute simultanée ne soit pas possible): Comme en vacances par André Gagnon

Les changements climatiques

Arrêter de prendre l’avion?

Nombreux sont ceux qui préconisent de ne pas voyager par avion pour réduire les gaz à effet de serre. Cela est certainement un argument valable puisque c’est un des moyens de transport les plus polluants.

Pourtant, se priver de voyager par avion peut en fait avoir des conséquences négatives sur la lutte aux changements climatiques et autres problèmes de la vie sur terre. Comment?

Eh bien, visiter d’autres régions permet d’avoir une meilleure compréhension de ce que vivent les gens ailleurs, même si ce n’est que pour se rendre compte qu’ils ne sont pas très différents de nous. On sera alors plus sensible à l’actualité du pays, dont celle qui touche l’environnement, au lieu de se dire que c’est à l’autre bout du monde et que ça ne nous touche pas. Cette conscientisation peut ensuite se refléter dans nos efforts personnels, y compris nos choix politiques.

Cette notion a même une application nationale. Choisir de ne jamais voyager en avion quand on est Canadien, c’est probablement choisir de ne jamais visiter certaines parties du pays, à moins d’avoir beaucoup de temps à sa disposition. Nous sommes convaincus qu’on aurait tous une meilleure compréhension de nos concitoyens, et un respect pour leurs défis, si on avait tous plus souvent l’occasion de se rendre visite.

L’argument contraire est que certains (plusieurs?) voyagent sans retenir grand-chose de la réalité des régions par où ils sont passés. Il y a des touristes qui ne cherchent qu’à cocher sur une liste les lieux vus sans égard aux locaux, à l’histoire, à la culture.

En cale sèche, les croisières? 

Pendant la pandémie, les compagnies de croisières arrêtées de force ont dû repenser leur flotte afin d’attirer à nouveau les clients le temps venu postpandémie. Il est clair que les croisières sont une grande source de pollution et dérangent les écosystèmes. Heureusement, plusieurs des plus vieux bateaux n’ont pas été remis en service après la pandémie et les nouveaux bateaux sont conçus afin d’amoindrir les traces. Mais on ne se le cache pas, la planète se porterait mieux sans les navires et les avions.

Michel étant très susceptible au mal des transports, donc de mer, il n’a pas l’expérience pour défendre les croisières. Il reconnait cependant qu’elles permettent de voyager à des gens qui ne le feraient pas autrement. 

Julie de son côté a voulu tenter l’expérience avec une amie; elle relate son voyage dans une vidéo où elle avoue être déchirée entre l’expérience et les conséquences. Ce n’est pas tout à fait noir ou blanc comme question. Selon l’endroit visité, les croisières peuvent alléger le fardeau du logement des villes qui reçoivent ou contribuer à l’économie locale. Et puis, comme pour tout voyage, il s’agit de choisir l’itinéraire afin d’éviter de contribuer au surtourisme de certains endroits trop populaires.

Le surtourisme

L’augmentation importante des voyages au cours des dernières années a causé le phénomène du surtourisme. De plus en plus d’articles identifient les destinations qui souffrent de ce problème, c’est-à-dire des endroits où le nombre de visiteurs dépasse la capacité d’accueil. Cela a un impact significatif sur l’environnement et la qualité de vie des résidents, sans que l’apport économique soit suffisant pour contrer les effets négatifs de ce tourisme. Venise et Barcelone sont souvent citées en exemple, mais le problème affecte aussi d’autres villes, des régions côtières, des sites naturels et des sites patrimoniaux.

Un des problèmes causés par cet afflux de visiteurs est la perte de logements pour les résidents dans les quartiers historiques. Les propriétaires préfèrent les locations de courte durée (par Airbnb et autres), car elles sont plus rentables.  

Certains placent la responsabilité de ces problèmes sur les touristes eux-mêmes, faisant parfois la distinction entre « touriste » (péjoratif) et « voyageur ». Nous abondons plutôt dans le sens de ceux qui croient que la solution ne passe pas par une critique des individus, mais par des changements aux systèmes. 

Par exemple, certaines villes limitent maintenant le nombre de bateaux de croisière, car ils amènent des foules qui utilisent les infrastructures, mais dépensent peu. D’autres imposent des frais à tous les visiteurs de jour (puisqu’ils ne paient pas la taxe de séjour recueillie par les hôtels). D’autres régions ont décidé de limiter, ou même réduire, le nombre de logements disponibles pour les locations à court terme (Airbnb et autres). 

Ces décisions sont plus faciles depuis la réouverture des frontières:  plusieurs citoyens ont apprécié le calme qu’a apporté la pandémie et accueillent les restrictions mises en place avec soulagement ou manifestent pour que leur ville emboîte le pas. Bien sûr, ceux qui dépendent du tourisme doivent adapter leurs pratiques en conséquence.

Est-ce qu’un jour des gouvernements limiteront les voyages en avion et les croisières pour réduire les gaz à effet de serre, et conséquemment le tourisme international? Difficile à prévoir alors que d’autres préoccupations planétaires occupent les nouvelles.

Mais ce que l’on peut voir, c’est que les médias sociaux jouent aussi un rôle dans le surtourisme. Un article en fin de billet présente cette nouvelle réalité.

Cela étant dit, il y a lieu d’encourager tous les voyageurs à revoir leurs habitudes. Et si vous voulez réfléchir à vos façons de voyager, voici quelques suggestions.

Citation relative à changer sa façon de voyager: On peut répartir dans l’espace et le temps les effets positifs et négatifs du tourisme en voyageant hors saison ou en visitant des lieux moins achalandés. Arrière-plan: éoliennes sous un ciel gris en Espagne

Changer sa façon de voyager

Choisir les moyens de transport

Évidemment, on devrait privilégier des alternatives à l’avion si des solutions pratiques sont disponibles. Le train demeure le meilleur moyen de transport pour l’environnement. Par exemple, si on arrive en Europe à partir du Canada, et que normalement on aurait une connexion aérienne, est-ce possible de plutôt prendre le train vers notre destination finale?

Il y a aussi lieu de réfléchir aux raisons d’aller en croisière ou outre-mer et à d’autres moyens d’atteindre les mêmes buts à moindre impact négatif sur l’environnement et peut-être avec un meilleur effet sur les communautés visitées. Et voyager léger peut réduire les coûts en avion et faciliter l’utilisation de divers moyens de transport.

Choisir quand partir et où rester

Pour les destinations populaires, on peut répartir dans l’espace et le temps les effets positifs et négatifs du tourisme en voyageant hors saison ou en visitant des lieux moins achalandés. On voit de plus en plus d’articles qui suggèrent des destinations alternatives, mais semblables aux villes les plus populaires

Par exemple, en Croatie, nous sommes allés à Dubrovnik, un endroit sur le palmarès du surtourisme depuis que Game of Thrones  y a été filmé et que les bateaux de croisière s’y arrêtent. À l’entrée de la vieille ville, on se sent un peu comme à l’entrée de Disneyland. Le maire de Dubrovnik vient d’annoncer en septembre 2025 une série de mesures pour essayer de retrouver un équilibre dans sa ville : limite de deux bateaux de croisière par jour, réservations d’avance pour entrer dans la vieille ville, ainsi que l’achat d’immeubles à logement et ouverture d’une école dans un édifice historique pour ramener une population locale dans la vieille ville.

Mais surtout, il y a d’autres villes en Croatie toutes aussi belles et historiques, mais moins achalandées, surtout hors des mois d’été. 

Autre exemple: le gouvernement des Pays-Bas a réduit sa promotion d’Amsterdam comme destination touristique et encourage les voyageurs à se rendre ailleurs au pays. C’est une des raisons pourquoi Michel a choisi de se loger à Leiden pour son séjour aux Pays-Bas

Si l’on visite tout de même une ville populaire, on peut demeurer dans un hôtel ou louer un logement hors du centre touristique. Si la ville dispose d’un bon système de transport en commun et que l’on peut faire un peu de recherche sur ses quartiers, un appartement proche du métro ou d’une ligne d’autobus peut être pratique tout en réduisant notre impact sur les résidents du centre. C’est ce que nous avons fait à Lisbonne

Un des attraits d’un tel logement est la fréquentation des commerces de proximité, comme un résident. On va y croiser plus de locaux que de visiteurs, on contribue à l’économie d’un quartier moins fréquenté, et on a le plaisir d’essayer de comprendre ce qu’on achète à l’épicerie. En fait, une épicerie est une des meilleures vitrines sur la réalité quotidienne des gens d’un pays. 

Revenir plus enrichi

Une façon de revenir avec une meilleure connaissance de la réalité de la région est de s’informer au sujet de son histoire, de sa culture et de ses enjeux actuels, avant de partir. Quelle que soit la langue du pays, il existe souvent des sites de nouvelles en anglais, si pas en français, que l’on peut consulter. Ces quelques connaissances de base peuvent ensuite servir dans des conversations avec des résidents, nous aider à mieux comprendre ce qu’on voit, et nous inciter à participer à des activités culturelles en voyage. Michel, en tant qu’introverti, privilégie cette approche de recherche.

Julie, plus extrovertie, a réussi à créer, avant de partir, des occasions de rencontres lors de voyages en Europe. Dans un cas, c’était avec un Croate qui participait à un même groupe d’intérêt sur Internet; nous avons exploré Zagreb avec sa famille et partagé des dîners au restaurant et dans leur appartement. Nous avons revu cette famille lors d’un voyage subséquent et même partagé des hébergements lors de notre passage.

cinq personnes à table dans un restaurant

Dans l’autre cas, Julie a découvert le site Conversation Exchange qui jumelle des gens qui veulent pratiquer la conversation. Par exemple, un Espagnol qui souhaite améliorer son français est jumelé avec une francophone qui veut rafraîchir son espagnol. Après quelques séances par Skype (aujourd’hui ce serait un autre service), deux des correspondants ont offert de nous rencontrer dans leurs villes, ce que nous avons fait pour des visites guidées et des repas forts agréables. Pendant le confinement, nous avons pu poursuivre les conversations avec ces nouveaux amis et échanger sur le vécu de la pandémie.

(Re)découvrir son coin de pays

Parfois, le plus simple est d’être touriste chez soi.  Présentement, la conjoncture politique fait que les Canadiens favorisent les voyages au sein de leur pays beaucoup plus qu’avant.

Dans les articles sur l’avenir du tourisme, le sociologue et écrivain français Rodolphe Christin, auteur de La vraie vie est ici – Voyager encore?, est souvent cité. Il argumente que pour satisfaire les attentes de confort des visiteurs, les lieux touristiques deviennent standardisés, et donc qu’à force de chercher de l’exotisme, on altère cet exotisme. Vous pouvez l’écouter dans une courte entrevue en fin d’article.

Dans ce cas, il y a lieu de réfléchir à nos motivations de voyage et si on peut répondre à ces besoins à proximité. En d’autres mots, au lieu de chercher le bonheur ailleurs, trouvons-le chez nous.

Avez-vous d’autres points de vue ou suggestions? Partagez-les dans les commentaires ci-dessous.

Ressources: 

Balado et article Travel Hype : comment les réseaux sociaux influencent nos destinations voyages

Entrevue avec Rodolphe Christin

Parmi les vidéos de notre chaîne YouTube:

Annonce de la vidéo Tavira en Algarve
Annonce de la vidéo Découvrir la région de Cobourg et de la 401
8 caractéristiques des voyageurs à petit budget. Arrière-plan: Michel au bord du Saint-Laurent à Québec.
Annonce de la vidéo Visiter Sarajevo

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