Haikus: immortaliser le présent en 17 syllabes

Trois pierres de verre bleu qui représentent les trois lignes de syllabes du poème haïku.

Existe-t-il une poésie minimaliste et puissante? Oui, voilà l’objectif des haïkus: immortaliser le présent en 17 syllabes.

Musique à écouter pendant ou après la lecture de ce billet (il se peut que l’écoute simultanée ne soit pas possible) : Spiegel im Spiegel  d’Arvo Pärt interprété par Jürgen Kruse et Benjamin Hudson

Ce poème, habituellement disposé en trois lignes de 5, 7 et 5 syllabes, capte un instant dans le temps présent et le communique simplement. Bien que le haïku ait initialement porté sur un élément relié aux saisons, sa gamme de sujets s’est élargie avec le temps jusqu’à immortaliser le présent.

Plusieurs sites Internet présentent le haïku et invitent à la discussion. Pour un court énoncé historique, le texte Haïku : l’art poétique japonais qui nous aide à saisir l’instant explique simplement cet art poétique.

Nous apprenons sur ce site que, selon le poète japonais Matsuo Bashô (1644-1694), la pratique du haïku permettrait de développer quatre capacités particulières:

  • « Sabi, qui est la simplicité, la connexion au temps qui s’écoule et qui modifie les choses extérieures et intérieures.
  • Shori, la capacité à voir le beau, ce qui est digne d’être aimé dans des choses simples. Ce qui aiderait également à développer un sentiment de gratitude à l’égard de la vie.
  • Hosomi, la découverte de la beauté dans ce qui est ordinaire. Chaque détail du quotidien est un potentiel miracle, le poème consiste à le capter.
  • Karumi, l’humour, parfois utilisé dans ce type de poème, une façon d’alléger les drames de la vie. »

Les vingt-cinq haïkus choisis pour vous sont tirés de Haïku sans frontières : une anthologie mondiale sous la direction d’André Duhaime. S’ils sont tous présentés ici en français, plusieurs ont été traduits et nous affichons donc également l’original.

Bonne lecture!

Argentine

Ertore José Palmero

Temps froid.
Mes lunettes embuées
par ma respiration.

Cold weather.
My eyeglasses are misty
by my breathing.

Autriche

Isolde Helga Schäfer

Il penche lourdement la tête
le tournesol à maturité.
Les oiseaux attendent –

Schwer neigt sich der Kopf
der reifen Sonnenblume.
Die Vögel warten –

Bosnie-Herzégovine

Zarko Milenić

Cactus dans le pot.
Dans le désert
il ne sécherait pas.

Kaktus u saksiji.
U pustinji
ne bi uvenuo.

Slavko Sedlar

Tandis qu’elle trait une vache,
la queue chasse les mouches
autour de la femme aussi.

Dokle je muze,
kravin rep goni muve
i sa muzilje.

Djoko Stojičić

La pluie a cessé.
Ce ne sont que des gouttes
Qui tombent des branches.

Kiša prestade. 
Sada samo sa grana
Padaju kapi.

Canada

George Swede

au plus fort
de la dispute les vieux mariés
se versent du thé

at the height
of the argument the old couple
pour each other tea

André Duhaime

après des années
une rencontre par hasard
nos courts cheveux gris

Carol Lebel

seul au motel
des silences étrangers
et un robinet bavard

Robert Melançon

Dans la neige fraîche
près du métro, mille flèches :
pattes de pigeons.

Croatie

Masa Bambić

À la fin de toutes
les routes, le commencement
des bleus lointains.

Na svršetku svih
puteva, početak je
modrih daljina.

Nediljko Boban

Dernier chant.
L’oiseau sur les pierres
enterre le soleil.

Posljednji pjev.
Ptica na kamenjaru
sahranjuje sunce.

Smiljka Gagić

Les oiseaux survolent…
Ce matin, on a coupé
le vieux saule.

Nadlijeću ptice…
Jutros su srusili
staru vrbu.

Anica Gečić

Au visage souriant
même l’étranger dit :
« Bonjour ».

Nasmiješenom
licu i stranac kaže :
,,Dobar dan’’.

Snjezana Mustać

Deux amis
sur le même banc du parc
partagent le silence.

Dva prijatelja
na istoj klupi parka
dijele šutnju.

Le haïku : cet étonnant poème qui en peu de mots capte un moment dans le temps. Trois pierres de verres bleus qui représentent les trois lignes de syllabes du poème haïku.
Photo : Renato Pozaić

États-Unis

Michael Dylan Welch

J’éteins le dernier film…
le coussin du sofa
reprend sa forme

clicking off the late movie…
the couch cushion
reinflates

France

Sam (Yada) Cannarozzi

un seul tournesol
regarde dans le sens contraire
en cherchant la lune

Pierre Courtaud

dans un profond silence
la seconde feuille
hésite encore

Robert Davezies

La mer retirée,
la lune est entrée
dans les flaques d’eau.

Japon

Shûson Katô

J’écrase une fourmi
Et c’est moi que mes trois enfants
Regardent

Ari korosu ware o sannin no ko ni mirarenu

Teijo Nakamura

Quand j’ai arrêté mes pas
des libellules sont venues et ont rempli
l’air autour de moi

Todomare ba atari ni fuyuru tonbo kana

Sujû Takano

Je retourne
La grosse bûche
Dont l’envers est en feu

Ô-hoda o kaeseba ura wa ichimen hi

Nouvelle-Zélande

Cyril Childs

après les vacances-
du sable…
dans ma poche

after the holiday-
sand…
in my pocket

Jeanette Stace

la canne du pêcheur
n’attrape
que la lumière

the fisherman’s line
catching
only the light

Roumanie

Ion Codrescu

après le concert
enlever silencieusement la neige
qui est sur la voiture

după concert
curățînd tăcut zăpada
de pe mașină

Singapour

Harsangeet Kaur Bhullar

de petits doigts
pansent avec attention
la tête du nounours

little fingers
carefully bandage
teddy’s head

Vous avez aimé ce style de poésie minimaliste? C’est étonnant comment peu de mots peuvent capter de façon aussi précise un moment.

N’hésitez pas à vous essayer. La recette est présentée dans les premières phrases de ce billet. Vous pouvez partager vos efforts dans les commentaires.

Ressource :  Haïku sans frontières, une anthologie mondiale, sous la direction d’André Duhaime, Les Éditions David, Orléans, 1998, 448 pages 

Vous serez peut-être aussi intéressé par notre billet sur la musique minimaliste et quelques-unes de nos vidéos dont:

Annonce de la vidéo Visiter Sarajevo
Annonce de la vidéo Prononciation et accents en Croatie

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7 commentaires

    • Spiegel im Spiegel me semblait tout désigné pour ralentir le temps lors de la lecture de ces haïkus. On ne s’ennuie jamais à écouter Arvo Pärt!

    • Super! Tu as bien dépeint la grandeur et le tempérament du fleuve St-Laurent (du moins, c’est celui qui m’est venu en tête!).

  • ooh! trop bien votre billet. J’écris de temps en temps des haïkus. j’adore leur philosophie. L’art du minimalisme et de la poésie.

    j’ai 3 livres intéressants à partager:
    « Petit manuel pour écrire des haïkus  » de philippe Costa
    « il était une fois… Contes en haïkus  » de A.Domergue et C.Hudrisier, sur les grands classiques que l’on reconnaît en quelques mots.
     » en pleine fugure. haïkus de la guerre de 14-18″ de D.Chipot. haïkus écrits par de jeunes poètes durant la guerre. Très touchant.

    • Merci Lorraine pour ces recommandations de lecture. Le haïku est un art qui me parle tellement alors j’ai bien hâte de lire ces livres que vous proposez avec des sujet intéressants.

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