Nous sommes prompts à critiquer nos élus pour les dépassements de budget des gros projets gouvernementaux. Sommes-nous meilleurs dans nos vies personnelles? Nos dépenses importantes sont-elles sous-estimées? Les bénéfices d’un achat sont-ils surestimés? Voyons quelques pistes de solution pour mieux évaluer les impacts financiers de nos choix.
Musique à écouter pendant ou après la lecture de ce billet (il se peut que l’écoute simultanée ne soit pas possible): J’évalue de Luc De Larochelière
Mais d’abord, avons-nous raison de croire que les projets majeurs de nos gouvernements dépassent souvent leur budget? Le magazine britannique The Economist fournit la réponse en citant le livre How Big Things Get Done de Bent Flyvbjerg et Dan Gardner. Les auteurs ont compilé des données au sujet de 16 000 projets à travers le monde. Selon leur analyse, seulement 8,5% des projets ont respecté leur estimation initiale quant à l’échéance et aux coûts. De plus, seulement 0,5% ont respecté leurs prévisions et fourni les bénéfices promis.
Si les considérations politiques jouent un rôle dans la sous-évaluation de travaux publics, ce sont probablement les émotions et une pensée à court terme qui font que les dépenses de nos projets personnels sont sous-estimées.
Les rénovations
Il y a quelques expressions relatives aux rénovations qui témoignent bien du problème des dépenses sous-estimées : « On sait quand ça commence, mais pas quand ça finit. » « Tant qu’à faire ça… »
Une solution pour ce genre de projet selon FLyvbjerg et Gardner est d’effectuer une planification rigoureuse, c’est-à-dire passer plus de temps à planifier les détails et songer aux contingences, et moins de temps dans l’exécution. Je pense ici à la rénovation de notre cuisine. On a commencé par une discussion ouverte avec le fabricant de cabinets, pour se rendre compte que ça nous poussait à faire des choix sans trop savoir ce que l’on voulait vraiment. Nous avons donc décidé d’embaucher une designer qui a proposé des idées auxquelles nous n’avions pas pensé et qui a fourni des plans détaillés. Cette étape nous a certainement épargné à nous, et au fabricant, bien des soucis et du temps.
Pour l’aménagement d’un patio, nous avons donc commencé par commander des plans. Mais entre ces plans et notre décision d’aller de l’avant, les coûts des matériaux avaient drastiquement augmenté, rendant le projet inabordable. Heureusement, l’entrepreneur nous est revenu avec une solution de rechange et nous sommes très contents du résultat. En revanche, avec ce nouveau patio, il fallait bien s’acheter de nouveaux meubles! L’effet Diderot, vous connaissez?
Les voitures
C’est facile lorsqu’on achète une voiture de se laisser emporter et choisir un modèle plus équipé et plus cher que ce que l’on avait budgété. On risque de vivre alors avec le « remords de l’acheteur », entre autres quand on additionne tous les autres coûts qui accompagnent l’auto.
Le club automobile CAA offre un excellent outil en ligne qui permet d’estimer ces coûts selon le modèle de voiture et le kilométrage annuel. Je n’ai pas trouvé un outil équivalent pour d’autres régions; si vous en connaissez un, svp l’indiquer dans les commentaires. J’ai mis un lien dans les ressources ci-dessous des coûts estimés en 2019 par l’Automobile Club Association de France.
L’achat d’une maison
Comme nous l’écrivions dans Réduire le coût du logement pour soi, pour tous, le réflexe de nombreux acheteurs de maison est de choisir un logement au maximum de l’hypothèque consentie par la banque. On a très bien vu dans les trois dernières années les risques que cela comporte : quand les taux d’intérêt montent ou que nos revenus baissent, les paiements deviennent beaucoup plus compliqués. La solution est assez simple: vivre en dessous de ses moyens; choisir une demeure dont l’hypothèque nous laisse une marge de manœuvre.
Il y a une autre raison de ne pas maximiser notre dépense: notre maison ne nous apportera peut-être pas tous les bénéfices que l’on pense. C’est ce que révèle une étude par des professeurs d’économie de l’Université de Basel en Allemagne.
Les chercheurs ont extrait les données de sondages sur la qualité de vie. À des gens qui étaient sur le point d’acheter leur première maison ou venaient de le faire, on a demandé d’indiquer à l’aide d’une échelle leur niveau de bonheur et d’estimer leur bonheur dans cinq ans. En d’autres mots, on s’attend quand on achète sa première maison que ça va augmenter notre bonheur. Le résultat?
Cinq ans plus tard, dans bien des cas, le bonheur n’était pas aussi élevé que prévu. En particulier, les personnes motivées par des facteurs extrinsèques (par exemple, le statut qu’apporte la propriété) ont été moins heureuses qu’anticipé. En revanche, ceux dont l’achat était motivé par des facteurs intrinsèques (par exemple, la vie en famille) ont en général obtenu les bienfaits espérés.
Donc, afin que nos dépenses ne soient pas sous-estimées et nos bénéfices surévalués quand vient le moment d’acheter une maison, il faut prendre le temps de bien analyser ses besoins et toutes les alternatives. Par exemple, parfois louer un logement demeure une meilleure option, car cela permet plus de mobilité.
Les animaux de compagnie
Les conséquences de sous-estimer les dépenses pour un animal de compagnie sont trop souvent tristes. On pense à l’achat de l’animal et peut-être à la nourriture, mais on ne calcule pas les frais de vétérinaires et/ou d’assurances et on ne pense pas que pitou ou minou sera peut-être allergique aux ingrédients de la nourriture économique.
Dans notre billet et notre vidéo sur les animaux de compagnie, nous soulignons qu’un chien coûte en moyenne 3000$ par année et un chat un peu plus de 2000$. Cela n’inclut pas l’achat de l’animal. Il y a une année, à cause de problèmes de santé, les frais pour Padou ont dépassé 4000$, soit plus de 11$ par jour.
Bien s’informer, y compris auprès d’autres membres de la famille ou d’amis, et bien budgéter vont nous permettre de profiter des moments de bonheur pendant toute la vie du compagnon.
Les conséquences de dépenses sous-estimées peuvent être importantes et nous forcer à faire des choix désagréables. C’est d’autant plus frustrant si on a surévalué les bénéfices de l’achat. Essayons donc d’avoir de meilleurs résultats que nos élus en mettant du temps pour la planification, la recherche quant aux options, et la réflexion sur nos besoins réels.
Ressources:
Budget de l’automobiliste de l’ACA
Parmi nos billets:
Changer de perspective sur le temps, l’espace et l’argent
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