Mis à jour le 31 mars 2023
Voilà déjà 4 ans que je publiais une première version de ce texte. Avec ces années de recul, je me permets une mise à jour et j’ajoute d’autres observations ainsi que des réponses à certaines questions soulevées lors de discussions.
À l’époque, mon fils aîné m’a fait remarquer que nous étions déjà dans un parcours minimaliste lorsque j’ai pris un congé du travail afin d’entreprendre mes études doctorales il y a plus d’une quinzaine d’années. En effet, à y réfléchir, cette décision de vivre avec un salaire en moins a été prise à la suite de nombreuses discussions sur ce qui était important pour notre famille. Permettez-moi de vous partager nos réflexions menant à ce choix et nos observations sur ses effets sur notre qualité de vie.
Musique à écouter pendant ou après la lecture de ce billet (il se peut que l’écoute simultanée ne soit pas possible): Comptine d’un autre été de Yann Tiersen (Klangkuenstler Remix)
Notre vie avant
Je vous mets en contexte. Michel et moi occupions tous les deux des emplois exigeants : Michel, comme directeur général d’une importante association canadienne en expansion alors que j’étais directrice d’une école secondaire. J’étais responsable d’amener les enfants à la garderie le matin, car je pouvais contrôler mon début de journée, mais je devais composer avec les rencontres, les urgences et les situations imprévues qui pouvaient étirer considérablement le temps passé au travail. Michel allait donc chercher les enfants à l’heure prévue, quitte à continuer son travail à la maison en soirée.
On se mit à réfléchir sur notre rythme de vie, nos habitudes alimentaires, nos relations de couple et familiales. Les discussions revenaient à savoir quelle place occupait l’argent dans notre vie. Nous avions conclu que nous étions prêts à vivre avec un salaire en moins pour ralentir ce rythme effréné et améliorer l’ensemble de notre vie.
Après avoir examiné les différentes modalités afin que je puisse reprendre mon emploi après cette pause, nous nous sommes entendus sur un arrêt de trois ans, qui en a finalement duré cinq.
Notre vie pendant
Je me suis inscrite au doctorat: je suivais des cours et faisais les devoirs, la recherche et la rédaction de façon méthodique le jour. Ce temps m’a permis d’apprivoiser à nouveau le silence, de réapprendre l’autodiscipline et d’activer ma créativité tout en me dépassant dans mes apprentissages. Ce fut stimulant intellectuellement.
Mon travail m’avait nourri d’expériences qui donnaient un sens et offraient des exemples concrets à mes lectures, présentations, discussions et recherches. Je voyais avec un certain recul la richesse du travail dans le milieu scolaire et l’importance des relations avec mes collègues. Ces années hors des écoles m’ont permis de comprendre la valeur de ce qui se passe en éducation. Mon regard s’est adouci par rapport à des frustrations vécues par le passé. D’un autre côté, des inquiétudes sont apparues en constatant certaines lacunes. Surtout, j’ai entretenu de l’espoir en découvrant des approches qui permettraient des améliorations possibles.
Les enfants avaient 5 et 7 ans au début du congé. Ils n’avaient pas les mêmes heures d’école, ce qui m’offrait une heure privilégiée avec chacun soit le matin ou au retour. De plus, mon horaire étant plutôt flexible, je pouvais assister aux rencontres prévues durant les heures scolaires, servir d’accompagnatrice lors de sorties pédagogiques et être présente pour les nombreuses activités, tant le jour, en soirée qu’en fin de semaine. Mon emploi ne me l’avait que rarement permis. Ce fut un cadeau tant pour moi que pour les enfants qui voyaient leur maman à l’école après tant d’années à y voir plutôt leur papa.
D’autres bienfaits ont découlé de cette décision de vivre avec un salaire en moins. J’ai fréquenté de façon assidue une entraîneuse personnelle pour me remettre en forme. Cela m’a permis de reprendre contact avec mon corps et de le traiter avec plus de respect. Mon mari a retrouvé sa femme pleine d’énergie et comme je m’occupais des tâches le jour, il avait plus de temps pour les enfants et son bien-être en soirée. J’ai fait du bénévolat auprès du mouvement scout et engagé la famille et les amis dans une cause qui me tenait à cœur, l’aide aux femmes sans-abri.
L’alimentation de la famille s’est améliorée puisque je cuisinais encore plus qu’avant tout en prenant le temps de maximiser le budget alimentaire. Je pouvais prendre le temps de consulter les circulaires, faire les courses à des moments moins occupés, consulter des recettes et faire un menu pour la semaine. Nous avions toujours pris nos repas en famille, mais là, je n’en manquais plus à cause du travail. C’est fou ce qu’on peut apprendre et partager ensemble autour d’une table.
Notre budget était détaillé et suivi de très près, n’ayant à peu près plus de jeu. Puisque mon congé était autorisé par mon employeur, j’ai pu continuer à contribuer à mon fonds de pension et aux assurances. La différence était que je devais assumer ma part et celle de l’employeur. Le montant était significatif sur notre budget étant donné le choix de vivre avec un salaire en moins, mais ces paiements ont permis de garder à jour mes contributions et ne pas hypothéquer ce qui avait été prévu pour notre retraite.
Quelques leçons à partager
Mon congé de travail a découlé à la suite d’un questionnement portant sur les raisons pour lesquelles nous étions les deux au travail. Il faut se poser les vraies questions et surtout, faire face aux réponses honnêtes. Est-ce par goût et intérêt? Est-ce nécessaire? Est-ce pour pouvoir se payer certaines choses moins essentielles?
En présumant que nos besoins de base sont satisfaits, il est presque toujours possible de vivre avec moins d’argent quand on fait des choix en ce qui concerne les sorties, cadeaux, voyages, épiceries, transports, logements, et vêtements. L’IRIS (Institut de recherche et d’informations socioéconomiques) indique qu’un revenu viable pour deux adultes et deux enfants en 2022 varie entre 61 385$ et 70 322$ selon la région du Québec. Pour une personne seule, cela varie entre 25 128$ et 34 814$ selon la région.
Est-ce qu’un des deux dans le couple devrait arrêter de travailler pour toujours? Pas nécessairement. Plusieurs options peuvent être explorées dont la réduction du nombre d’heures travaillées, trouver un emploi moins exigeant ou avec moins de temps de déplacement, prendre un congé de courte ou longue durée, ou retarder un peu sa retraite pour mieux profiter de la vie d’ici là. Sur ce dernier point, on peut aussi constater qu’apprendre à vivre avec moins de revenus peut en fait nous permettre de prendre notre retraite plus tôt.
Un tel arrêt se prépare mentalement et financièrement. Pour la paix d’esprit, il est souhaitable d’avoir une réserve d’urgence adéquate. Je recommande d’essayer de vivre avec l’équivalent d’un salaire pour quelques mois avant de prendre la décision afin de comprendre ce qui nous attend et pour mettre de côté l’argent nécessaire à certains coûts comme les contributions à la pension et les assurances dans mon cas.
Le temps passait à la même vitesse lors de mon congé, mais sa qualité était grandement améliorée. Les relations entre les membres de la famille et avec les amis sont précieuses. De nouvelles amitiés sont possibles lorsqu’on se rend accessible, en personne ou en virtuel. Un de mes frères et mon père sont décédés lors de mon congé. J’étais reconnaissante d’avoir pu développer davantage ma relation avec mon père lors de ses dernières années grâce au temps libéré.
Notre vie après
Je suis retournée au travail au bout de ces 5 ans de congé d’études.
Toute bonne chose a une fin, mais les nouvelles habitudes se sont maintenues lors de mon retour au travail. Je n’étais plus prête à sacrifier du temps de famille, de couple ou de bien-être. Ces années avec un salaire en moins nous ont permis de comprendre ce qui importait le plus pour nous comme famille, couple, individu.
Nous avons réussi à maintenir un équilibre heureux par la suite, en gardant nos bonnes habitudes en poursuivant un mode de vie encore plus inspiré par le minimalisme.
Quelques années plus tard, Michel a quitté son emploi pour travailler à son compte et ainsi choisir un rythme de vie plus convivial avec nos priorités. En maintenant un niveau de vie à peine plus élevé, nous avons tout de même pu investir davantage pour notre retraite, ce qui nous a permis d’avoir de la flexibilité pour le moment choisi. Surtout, nous avons pu aligner notre budget avec ce qui était important pour nous.
Et vous, quand avez-vous pris le temps de déterminer vos priorités?
(Psst, avez-vous repéré la photo de Leonard Cohen sur un des édifices?)
Ressources:
Une famille peut-elle s’en sortir avec un seul salaire?
Pour poursuivre la réflexion: nos billets Le minimalisme pour réduire l’endettement et Minimalisme selon l’objectif, et cette vidéo de notre chaîne YouTube.
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Merci de partager Julie et Michel, c’est très inspirant!
Merci pour cette réflexion…
J’ai beaucoup aimé votre sujet aujourd’hui. Nous aussi, nous avons choisi de vivre avec un salaire pendant que les enfants étaient jeunes: j’ai pris 4 ans de congés avant de retourner à l’enseignement car avec 3 enfants en bas âge, ça ne valait pas la peine de dépenser temps et énergie à un travail à l’extérieur donc j’ai gardé des enfants à la maison durant un an ou deux.
Je suis retournée à l’enseignement et je suis retournée aux études en prenant des 3 de 4 ou des 2 de trois: ce furent des expériences très enrichissantes.
Et avec notre planification financière, j’ai pu prendre ma retraite à 50 ans en 2002 lorsqu’on a ouvert une fenêtre pour donner moins de pénalités. J’avais seulement 32 ans d’expérience car j’avais retiré mon fonds de pension pour faire une allonge à notre maison lorsque nous avions eu notre 3e enfant de façon imprévisible (j’avais tombé enceinte avec le stérilet … oups).
Durant mes 1ères années de retraite, j’ai pris des contrats à l’Université d’Ottawa = une autre expérience de vie très intéressante (professeure conseillère, superviseure de stages, coordonnatrice et responsable du B. Ed. en mode alternatif pour Ottawa et pour les campus de Toronto et Windsor.)
Je me suis aussi impliquée dans toutes sortes d’organismes communautaires comme « La Maison des Arts » à Embrun et autres …
Maintenant nous passons nos hivers à Àcapulco donc je m’implique surtout au niveau d’EstaRiO et de RTOERO: quelle belle vie!
Merci Monique pour ce commentaire qui montre qu’il y a plusieurs façons de modifier son parcours pour aligner sa vie avec ses priorités.